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L’agression de trop ?

Editorial La Presse

 

La journée du 25 mars a effacé les craintes qui rongeaient le Conseil de sécurité des Nations unies, la résolution 2728, qui exigeait un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza a été adoptée (rendue possible grâce à l’abstention des Etats-Unis) sous les applaudissements de ses membres et à la satisfaction de la communauté internationale.
Dix jours plus tard, rien n’a bougé sur le terrain, la guerre se poursuit dans l’indifférence coupable, avec son lot de victimes, ses impitoyables restrictions à l’aide humanitaire, et les cris d’alarme sur la famine qui ronge la population gazaouie; le ministère de la Santé du Hamas déplore (jusqu’à hier) 32.916 personnes tuées et 75 494 blessés civils en près de six mois d’occupation et annonce que les attaques ont été plus intenses après l’adoption de la résolution, affirmant que des dizaines de corps de martyrs, certains en état de décomposition, ont été retrouvés dans l’enceinte et aux abords de l’hôpital al-Chifa. Tristesse et désolation.
Personne ne semble s’offusquer que la décision du Conseil de sécurité n’ait plus d’effet. Surtout pas l’Etat hébreu.
Rappelons au passage que la Charte des Nations unies indique que «tous les Etats — membres sont tenus de mettre en œuvre les décisions du Conseil de sécurité».
Depuis des décennies, les chefs palestiniens sont conscients de l’ineffi cacité des résolutions concernant leur cause — plus d’une cinquantaine d’entre elles ont été adoptées à ce sujet — et ignorées ensuite. Avec cette nouvelle entorse à la résolution, le monde sait désormais que le Conseil de sécurité a beaucoup perdu de son prestige et encore plus de son poids et de son autorité. Son impuissance face à d’Israël n’est plus à démontrer.
Mais hier, cette violation a connu son point culminant avec le bombardement d’un véhicule humanitaire. Quelques jours plus tôt, le média sioniste Haaretz affi rmait que l’armée d’occupation sioniste a établi «des zones d’extermination» dans la bande de Gaza où les soldats ont reçu l’ordre de tirer sur tout ce qui bouge, femmes, enfants, secouristes, journalistes, etc. Les soldats ont logiquement obéi à l’ordre et sont passés à l’acte.
Parmi les tirs aveugles ou délibérés, l’une des frappes a touché un véhicule de l’ONG américaine World Central Kitchen, tuant sept de ses membres de différentes nationalités.
Cette frappe a éveillé les consciences; les réactions ont immédiatement fusé de partout; la Maison-Blanche (qui avait approuvé la livraison à Israël de plusieurs milliards de dollars de bombes massives et de jets de combat) assure avoir «le cœur brisé», le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a condamné l’acte, réclamant l’ouverture d’une enquête; le Royaume-Uni attend d’Israël «des explications transparentes et complètes»; le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, «exige» qu’Israël fasse la lumière sur cette attaque à Gaza et, profitant de cette bourde tragique israélienne, annonce que l’Espagne reconnaîtra un Etat palestinien d’ici juillet 2024. Le vice-président de Médecins du Monde, Jean-François Corty, dénonce l’agression israélienne, qui est «un message envoyé par l’armée israélienne» visant à empêcher les humanitaires d’intervenir sur le terrain. Les déclarations pleuvent de partout dénonçant cet acte barbare (le président de l’ONG World Center Kitchen accuse, le Canada dénonce, l’Australie et la Pologne condamnent, la Chine se dit choquée etc., etc.)et… comble de l’ironie, Israël n’a pas manqué à l’appel, son armée dit enquêter sur «un incident tragique». Consternant, sinon pathétique. Un adage tunisien illustre cette infamie « Il le tue et se recueille à son enterrement».

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